Depuis quatre ans, Patrick Delord est le proviseur du lycée public Gabriel Faure de Tournon-sur-Rhône. Cet établissement a signé une charte d’ouverture internationale avec AFS Collines du Rhône en novembre 2016. Parmi ses 1070 élèves, certains effectuent des programmes scolaires en immersion encadrés par AFS Vivre Sans Frontière, qu’il s’agisse de lycéens étrangers accueillis en France ou de lycéens français partant vivre une expérience de mobilité internationale à l’étranger. Entretien avec un proviseur pour qui cette “richesse d’échanges” est une priorité de la politique de son établissement.

 

Comment avez-vous eu connaissance de l’association AFS ?
J’ai connu AFS bien avant d’occuper mon poste actuel, puisque j’ai occupé d’autres fonctions dans d’autres établissements en Drôme, en Isère ou en Ardèche. J’ai dû commencer à travailler dans un établissement qui avait des élèves AFS à la fin des années 1990, lorsque j’étais au lycée du Diois à Die, situé dans la Drôme.

Vous êtes proviseur du lycée Gabriel Faure de Tournon-sur-Rhône depuis quatre ans. Avez-vous fait partir des élèves dès votre première année à ce poste ?
Oui, tout à fait. Avant mon arrivée, mes collègues avaient d’ailleurs déjà commencé cette collaboration avec l’association AFS Vivre Sans Frontière.

L’ouverture internationale du lycée est-elle l’une des priorités de la politique de l’établissement ?
Oui, en effet, cela fait partie de nos priorités. Aujourd’hui, tous les établissements, collèges ou lycées, fonctionnent en “contrats d’objectifs”. Les activités liées à l’ouverture à l’international en font partie, qu’il s’agisse par exemple d’élèves qui partent effectuer un programme scolaire à l’étranger ou d’élèves qui viennent de l’étranger dans notre établissement. Cette richesse d’échanges est vraiment une priorité pour nous.

Comment cela se passe-t-il pour les élèves qui partent ? Car il peut y avoir parfois quelques difficultés, notamment liées au fait que quand les lycéens partent effectuer un programme d’une année scolaire en mobilité internationale et en immersion, ils sont obligés de faire un bac en quatre ans…
Jusqu’à présent, l’extrême majorité des élèves concernés, sans parler de redoublants, font un bac en quatre ans parce qu’ils partent majoritairement en Première. Mais c’est une grande question que d’essayer de faire en sorte que ce parcours se passe en trois ans. Ce n’est pas toujours évident face aux obligations de l’année de Première, avec notamment les épreuves anticipées du baccalauréat.

En tant que proviseur, lorsque vous avez des lycéens qui viennent de différents pays, qui sont hébergés dans des familles d’accueil bénévoles et qui sont scolarisés dans votre établissement, comment les prenez-vous en charge ?
Nous faisons un moment d’accueil spécifique avec ces jeunes. Ils arrivent, au gré du calendrier, de manière légèrement décalée par rapport à la date de la rentrée. Par conséquent, c’est l’occasion pour nous de leur faire un accueil particulier. La taille de l’établissement implique aussi que l’on puisse réserver un temps, un moment pour cet accueil. On essaye de faire en sorte qu’il y ait des professeurs, y compris des professeurs principaux, qui soient là pour faciliter leur arrivée. De même que nous convions les familles d’accueil et nous essayons également de faire en sorte que des élèves de leur classe soient aussi présents. C’est une volonté “normale” d’accueil que l’on a, à savoir les accueillir aussi bien que pourraient l’être nos élèves lorsqu’ils effectuent un programme scolaire dans un établissement à l’étranger. C’est une volonté de partage qui se fait naturellement.

Êtes-vous parfois confronté à des difficultés d’intégration dans le lycée, dues aux différences culturelles ou à l’apprentissage de la langue, et comment y remédiez-vous ?
Nous avons des élèves qui viennent de pays ayant un système éducatif très différent, c’est certain. C’est une découverte, donc malgré la volonté de tout le monde – la famille d’accueil, des personnes ressources d’AFS et nous-même –, il est parfois nécessaire de prévoir des rencontres et de faire des réunions de “régulation” pour aider ces jeunes, car certains peuvent avoir des objectifs différents par rapport à leur année passée chez nous. L’immersion étant la base de l’expérience, ils expriment aussi la volonté d’apprendre le français et de découvrir notre culture française. Nous travaillons donc en équipe et nous faisons en sorte de les aider à supporter ces moments durs à vivre qui restent, au final, relativement rares.

La présence de ces élèves dans votre établissement est-elle un plus pour votre établissement, y compris pour les élèves français ?
Oui, indéniablement, c’est un plus puisque leur présence engendre une rencontre et un échange avec nos élèves. Parfois, nous commençons par nous appuyer sur une autre langue que le français. Puis, progressivement, c’est le français qui va prendre le pas, accélérant ainsi la richesse de l’échange. C’est aussi un plus dans le cadre global d’une politique d’établissement tournée vers l’international. À ce titre, nous avons par exemple une spécificité dans notre établissement : le BTS Commerce International. Ces rencontres et ces échanges profitent aussi bien à nos lycéens qu’à nos étudiants.

Concernant les lycéens français qui partent effectuer un programme de mobilité internationale, remarquez-vous des différences sensibles, significatives quand ils reviennent de leur expérience ? Comment les redécouvrez-vous à leur retour ?
Ce n’est que ma quatrième année en tant que proviseur de ce lycée, je n’ai donc pas beaucoup de recul. Mais ils reviennent transformés, c’est évident, comme s’ils revenaient avec un bagage supplémentaire lié à cette expérience passée dans un autre pays, quel qu’il soit. Nous avons vu des élèves évoluer. Bien sûr, s’ils étaient restés dans notre établissement, ils auraient évolué aussi. Mais immanquablement, il y a une richesse renforcée du fait d’avoir été confronté à d’autres approches, à des rencontres…

Très concrètement, peut-on dire qu’ils sont globalement meilleurs élèves quand ils rentrent d’un programme scolaire effectué à l’étranger ?
Il est difficile de l’affirmer haut et fort parce qu’il faudrait effectuer une analyse pointue, même si on peut se référer simplement aux notes. Ce que l’on peut dire, c’est que de la Seconde à la Terminale, nous avons des adolescents qui évoluent et qui se rendent de plus en plus compte de l’intérêt d’un travail plus approfondi. Nous n’avons pas une approche quantitative. Globalement, nous n’avons pas d’élèves qui reviennent avec une situation de difficulté. Même si parfois ils ont changé de rythme, ce n’est pas pour autant négatif, et ce n’est pas un handicap non plus.

Vous avez signé une charte d’ouverture internationale avec AFS Collines du Rhône en novembre 2016. Quelles étaient vos attentes par rapport à cette signature ?
Je crois que c’est toujours un plus de réfléchir à des problématiques ensemble, en réunissant différents acteurs impliqués. Cette collaboration, symbolisée par la signature de cette charte, va justement permettre d’améliorer cette notion d’accueil. Nous voyons bien que les demandes diffèrent parfois en fonction du profil des élèves à accueillir, l’objectif étant qu’ils vivent la meilleure expérience d’immersion possible. Cette charte peut nous aider car elle nous encourage à travailler ensemble. Cela passe par exemple par le fait de baliser leur passage dans notre établissement via le bulletin de notes. Des élèves peuvent également avoir besoin d’une collaboration rapprochée, du fait d’adaptations parfois plus compliquées selon les élèves. Avant cette charte, nous travaillions déjà beaucoup avec AFS. Désormais, le fait de formaliser davantage les choses va nous permettre d’améliorer la qualité de l’accueil. La formalisation est une bonne chose mais cela ne nous empêche pas de continuer à travailler comme nous le faisions en parallèle, car la vraie richesse de notre travail se manifeste sur le terrain, via les échanges.

Votre lycée a accepté d’être candidat à un projet Erasmus+. Pourquoi ?
Nous avons des enseignants qui ont intégré cette dimension globale. Ils ont envie de partager leur approche avec des enseignants d’autres pays. Ils ont également envie de pouvoir le faire avec des enseignants d’établissements moins éloignés. Car ils sont aussi dans la dynamique de vouloir être plus performants quant à l’accueil de lycéens étrangers. Et puis, au-delà d’AFS, ce qui est important aussi pour les enseignants, c’est l’accueil de jeunes qui arrivent en France en cours de scolarité.

L’ouverture internationale est un axe important de la politique de votre établissement. Allez-vous continuer à le développer ?
Nous développons cet axe le plus possible et nous avons envie de poursuivre cette évolution. Nous sommes convaincus de l’importance que cette ouverture internationale a sur la formation d’un jeune, sur sa réussite, et aussi sur sa formation en tant que futur citoyen. Les enseignants le vivent intensément, et pas seulement les professeurs de langue ! C’est ce qui fait une force de notre établissement.

Le fait que l’association AFS soit agréée par le Ministère de l’Éducation nationale est-il un gage supplémentaire de sérieux pour vous ?
C’est certain, et j’ajouterais que c’est aussi très important car nous travaillons dès lors dans un cadre institutionnel.