La famille Graneri a accueilli Yumé du Japon via l’association locale AFS Périgord. Yumé a été scolarisée au lycée Jay de Beaufort à Périgueux, et a vécu à Thiviers le temps de son année scolaire en immersion en France. Nathalie nous raconte son expérience en tant que mère d’accueil.
Comment avez-vous choisi votre accueillie et comment se sont passés les premiers moments de votre expérience d’accueil ?
Nous avons choisi d’accueillir Yumé en fonction de son dossier. Nous avions notamment lu qu’elle était musicienne, comme nos deux enfants. Les premiers moments en famille ont été très difficiles, car Yumé ne parlait pas un mot de français à son arrivée, excepté “merci”, “bonjour”, “je ne comprends pas”, “je m’appelle Yumé”… Ce qui est un peu limité pour se débrouiller dans la vie quotidienne et suivre les cours d’une classe de Seconde ! Nous, c’est-à-dire les quatre membres de la famille, avons donc été très patients, attentifs et pédagogues. Les premières semaines, l’anglais nous a permis d’aller à l’essentiel. Google Traduction Français-Japonais nous a sauvés de bien nombreuses situations compliquées. Au bout de six semaines, Yumé a commencé à mieux comprendre. Elle a été extrêmement assidue dans ses exercices.
Qu’avez-vous appris de vos cultures respectives ?
Malgré la barrière de la langue, nous avons toujours communiqué. Nous avons beaucoup comparé nos façons de vivre entre la France et le Japon, ce qui était aussi pour nous une manière d’inciter notre accueillie à nous parler de son pays, et donc à pratiquer notre langue.
Comment s’est déroulée la scolarité de Yumé ?
Yumé a été scolarisée en classe de Seconde générale, avec les options Santé-Social et Biotechnologies. Elle était dans la même classe que notre fille, Emma. Mais pas dans le même groupe, pour que Yumé puisse avoir aussi ses propres amies. En plus de ses cours au lycée, Yumé a suivi des cours de Français Langue Étrangère (FLE) avec un professeur, bénévole pour AFS, au sein d’un groupe de jeunes accueillis sur le Périgord, à raison de deux heures tous les mercredis après-midi. Tous les soirs, en rentrant du lycée, Yumé se mettait à son bureau pour travailler : faire des lignes de lettres cursives comme les écoliers, recopier les verbes conjugués… Elle faisait et refaisait des exercices, sans relâche. Elle nous disait qu’elle avait du mal à comprendre en cours car les professeurs parlaient très vite. Nous l’avons rassurée, soutenue et valorisée car ses progrès étaient spectaculaires de semaine en semaine. Son professeur de Lettres a adapté ses exercices à son niveau. Après la panique de cet enseignant pour évaluer Yumé, il a pu observer, au fur et à mesure, les progrès considérables de cette jeune super motivée. J’ai assisté au conseil de classe du premier trimestre, et j’ai bien sûr rappelé les objectifs de ce séjour interculturel pour Yumé. La proviseur et les professeurs ont été rassurés, et tous ont souligné l’implication forte et l’attitude déterminée de Yumé. Son professeur de mathématiques a noté son très bon niveau et sa capacité à comprendre très rapidement: Yumé a toujours su répondre à tous les exercices proposés.
En parallèle de sa scolarité, Yumé a passé le DELF. Pouvez-vous nous raconter son parcours ?
En effet, nous avions inscrite Yumé au DELF (Diplôme d’études de langue française), niveau B1. En novembre, quand son inscription à l’examen du DELF s’est faite, nous lui avons proposé d’écrire de tous petits textes pour raconter un film, une visite, une rencontre ou une situation vécue. Petit à petit, Yumé nous a sollicités pour corriger avec elle ses textes qui sont devenus, au fil des semaines, de plus en plus longs et construits. Lors de son inscription, elle a longuement hésité sur le choix du niveau : A1, A2, B1… Après de nombreuses discussions avec nos enfants, nous deux et ses professeurs, Yumé a décidé de choisir le niveau B1 ! Un choix audacieux et exigeant, et surtout un choix courageux… En rentrant des épreuves le 17 mai, elle était soucieuse car elle a pris conscience des difficultés rencontrées au cours des quatre épreuves écrites et orales. Au final, Yumé a validé son niveau B1 avec des notes tout à fait honorables. Nous avons fêté sa réussite dans la joie… Quelle fierté !
Parmi cette expérience d’accueil, quels ont été vos plus beaux souvenirs ?
À son arrivée, nous étions dans l’inconnu le plus total. Nous avons vécu des moments très forts : visite de Paris ensemble, ses 16 ans en haut de la tour Eiffel, Noël, sa réussite au DEFL, ses concerts partagés avec nos deux enfants, sa place parmi les soixante musiciens de l’orchestre et leur dernier jour de vacances ensemble, son départ… Tout est passé trop vite. Que d’émotions fortes ressenties lors de son départ ! Nous avions tous le cœur serré et triste… Les dernières semaines de son séjour ont été très intenses car Emma et Yumé n’avaient plus cours : soirée pyjama avec les copines, accueil à la maison des amies de l’orchestre, visite de deux jours à Limoges chez la cheffe d’orchestre, visite de deux jours à Bordeaux chez les grands-parents d’Emma… Des repas, des parties de jeux de société, des concerts en plein air… Bref, Yumé a eu maintes occasions pour parler, partager et discuter avec l’entourage français qu’elle a pu côtoyer lors de son année chez nous.
Quelles ont été les principales difficultés auxquelles vous avez été confrontés ?
Je dirais la langue. Nous avons été patients et attentifs, nous lui avons laissé le temps de l’apprentissage linguistique. Au cours du dernier mois, Yumé prenait la parole au cours du repas ! Son intégration dans notre famille et dans notre entourage amical a aussi été facilité par sa participation en tant que musicienne à l’orchestre dont nous faisons partie. En effet, Yumé joue du cor d’harmonie, comme Emma. Son accueil au sein de l’orchestre a été rapide, et elle est devenue une chouchou pour laquelle chacun a eu une attention particulière. Elle a su trouvé sa place au sein des soixante musiciens.
Est-ce que l’accueil a changé quelque chose dans votre vie de famille ? Qu’est-ce que cela vous a apporté personnellement ?
Accueillir Yumé a été un grand plaisir partagé. Nous avons vécu de grandes émotions. Nous avons ouvert notre famille et nous avons un respect encore plus important entre nous. Notre famille élargie a aussi fait une place à notre accueillie : fête de famille, Noël, anniversaire, etc. Pour chaque membre de notre famille, cet accueil a représenté une ouverture sur l’autre, vis-à-vis d’un être à la fois très différent et semblable, car Yumé est une adolescente comme les autres. Cette expérience a été une véritable ouverture culturelle. Nous avons vécu cette rencontre avec Yumé comme un immense cadeau. Le jour de son départ, sur le quai de la gare de Périgueux, elle nous a tendu une lettre de cinq pages, intitulée “Lettre pour ma famille Française”. Ce fut une émotion immense pour nous : Yumé ne parlait pas un mot de français à son arrivée et elle nous a écrit une lettre de cinq pages en nous quittant… Tout est dit !